Révisions des COP du U.S. PEPFAR 2020 : 10 conseils pour les activistes

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par George Ayala, Executive Director de MPact

Le cycle des Plans opérationnels nationaux (COP) du Plan d’urgence du Président des États-Unis pour la lutte contre le SIDA (U.S. PEPFAR) est relancé. Nous avons vu avec plaisir que le Guide COP 2020 reflète de nombreuses recommandations formulées par les activistes au cours de la période de commentaires publics. Cependant, le guide met à jour plusieurs nouveaux problèmes que les activistes devraient suivre de près en vue des révisions des COP2020. De plus, même si le financement devrait rester stable dans les différents pays et régions, les équipes PEPFAR nationales peuvent aussi, cette année, soumettre des propositions, notamment une demande de fonds additionnels pour financer des programmes supplémentaires. Seuls les partenaires très performants sont autorisés à demander un financement supérieur aux niveaux définis par le U.S. PEPFAR.

Dans bien des cas, les niveaux de financement sont liés aux performances. De mauvaises performances peuvent indiquer une incapacité à atteindre les indicateurs de performance fixés par le Bureau du Département d’État américain du Coordinateur de la lutte mondiale contre le SIDA (S/GAC). Dans d’autres cas, les budgets nationaux sont définis selon des méthodes qui ne se basent pas sur des preuves, avec pour résultat que les services communautaires destinés aux populations clés, ainsi qu’aux femmes et aux jeunes filles, sont considérablement sous-financés. Les budgets et les décisions de financement devraient être proportionnels à la charge représentée par le VIH et aux autres facteurs en rapport qui aggravent le risque de VIH au sein d’une population donnée, dans une juridiction donnée et dans le contexte spécifique d’un pays donné.

Des tensions et des débats font depuis longtemps rage dans le milieu de la santé publique quant au besoin de trouver un équilibre entre les preuves et l’impératif éthique du respect et de la protection des droits de l’homme. Des réponses aux problèmes de santé basées à la fois sur des preuves et sur des droits combinent des données systématiquement collectées sur la charge posée par la maladie, les besoins de la communauté et l’efficacité des interventions avec des engagements sans faille en faveur de l’autodétermination, l’autonomie/intégrité corporelle le caractère acceptable, accessible, abordable et qualitatif des services. En outre, de telles réponses se préoccupent nécessairement des contextes légaux et politiques qui compliquent ou facilitent la vie des communautés les plus affectées par le VIH. Par exemple, près de 70 pays criminalisent encore les relations homosexuelles. Autre obstacle : la politique américaine « Protecting Life in Global Health Assistance », aussi connue sous le nom de Politique de Mexico ou Global Gag Rule (« règle du bâillon mondial »), interdit toute assistance étrangère aux organisations proposant une éducation à la planification familiale et les services qui s’y rapportent, notamment l’avortement. Les politiques américaines interdisent toujours le financement des organisations qui visent à décriminaliser le travail du sexe. Ces politiques ont entraîné la fin du financement des cliniques qui offraient auparavant des traitements antirétroviraux pour traiter le VIH et ont dissuadé les populations clés de recourir aux services dont elles ont besoin.

Cette année, les États-Unis encouragent vivement l’utilisation de l’Index Testing en tant que stratégie visant à identifier les personnes atteintes du VIH qui ne connaîtraient pas encore leur statut de séropositivité. Cette stratégie consiste à travailler avec un individu venant d’être testé positif au VIH et prêt à fournir une liste de tous les partenaires sexuels qu’il a fréquentés et de toutes les personnes avec qui il a partagé du matériel d’injection de drogues au cours des 12 derniers mois, ainsi que des enfants d’un ménage. Chaque personne ainsi répertoriée est alors contactée, informée qu’elle a été exposée au VIH, et se voit proposer un dépistage volontaire. Bien que des preuves solides suggèrent l’efficacité de cette stratégie de dépistage, celle-ci est inappropriée dans les pays qui criminalisent l’homosexualité, le travail du sexe, la consommation de drogue et/ou la transmission du VIH, l’exposition au VIH ou la non-divulgation du statut de séropositivité. De plus, la stigmatisation, la discrimination, la violence et la criminalisation compliquent le recours à des interventions telles que l’Index Testing. Enfin, l’Index Testing peut exposer les femmes cis et trans, les hommes gays et bisexuels et les jeunes à un risque plus élevé de violences basées sur le genre et d’autres abus de pouvoir.

Dans ce contexte, MPact a formulé 10 conseils pour les activistes surveillant les procédures liées aux U.S. COPs 2020. Les voici :

  1. Opposez-vous aux efforts visant à durcir l’Index Testing sans qu’il n’y ait eu une étroite concertation préalable avec les communautés les plus affectées par le risque « d’évènements indésirables ». Ces « évènements indésirables » comprennent notamment :  les violations de confidentialité ; l’absence de procédures de consentement ; la divulgation forcée ou non autorisée de l’historique, du comportement et/ou de l’orientation sexuels à des partenaires, des membres de la famille, des amis ou autres ; la violence entre partenaires intimes et/ou la violence basée sur le genre ; la moquerie, le harcèlement ou le chantage ; l’absence de lien avec les services disponibles et l’interdiction ou le retardement de l’accès à ces services. L’Index Testing devrait être mis en œuvre sur base des directives de l’Organisation Mondiale de la Santé et les prestataires de services doivent recevoir des formations régulières. Les programmes de l’Index Testing devraient être surveillés de manière indépendante par les communautés auxquelles ces interventions sont destinées. En outre, l’Index Testing (et toute autre intervention de dépistage) ne devrait plus être lié à des indicateurs de performance imposés au donneur, tels que les taux de séropositivité et les « rendements ». Les personnes sont plus importantes que les objectifs. Et lorsqu’un financement est lié à des objectifs de dépistage tels que les taux de séropositivité, ses exécutants sont d’autant plus susceptibles de sacrifier la qualité à la quantité, surtout si cette dernière est nécessaire à la poursuite du financement.
  2. Plaidez pour des estimations réalistes et fiables de la taille des populations clés. Le PEPFAR utilise ces estimations pour justifier ses objectifs, qui déterminent à leur tour le financement. Si les chiffres estimés sont ridiculement faibles, les programmes nationaux sous-estimeront les besoins des communautés, fixeront des objectifs en-deçà de la réalité et, par conséquent, sous-financeront les services. Bonne nouvelle : cette année, le S/GAC n’a pas assigné d’objectifs aux différents pays et n’a proposé que des niveaux de budget national. Les équipes des pays PEPFAR sont censées développer et soumettre leurs propres objectifs en concertation avec les parties prenantes du pays, y compris les activistes des communautés. Le budget national alloué à ce pays sera ensuite réparti par priorité, sur base des objectifs fixés par les équipes elles-mêmes. Plaidez pour des objectifs et un financement ambitieux pour les populations clés à tous les niveaux nécessaires, afin d’assurer la qualité, la sécurité et l’efficacité des services pour atteindre ces objectifs.
  3. Exigez de prendre part à la supervision de l’accès à et la mise en œuvre des services relatifs au VIH pour votre communauté. En vertu des COP 2020, tous les programmes PEPFAR doivent développer, soutenir et financer la supervision communautaire des services de traitement, et ce, en étroite collaboration avec des organisations civiles indépendantes. La surveillance communautaire peut notamment prendre la forme d’activités visant à évaluer le caractère acceptable, accessible, abordable et qualitatif des services, ainsi que la satisfaction des clients. Il peut s’agir aussi de documenter l’impact des lois et des politiques punitives ainsi que les cas de stigmatisation, discrimination, coercition, chantage et violences vécus sur le chemin de et vers les cliniques et organisations qui offrent des services liés au VIH, ou au sein même de celles-ci.
  4. Clamez-le haut et fort lors de vos rencontres avec les décisionnaires : NOUS AVONS BESOIN D’UNE POLITIQUE EXHAUSTIVE DE PRÉVENTION DU VIH, INCLUANT LA PrEP, ET TOUT DE SUITE ! Les pays doivent aller au-delà des programmes pilotes de PrEP et développer des programmes PrEP exhaustifs pour les hommes gays, bisexuels et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, notamment en termes de génération de la demande, de conseils en matière de réduction des risques, d’alphabétisation, de respect et de soutien. En outre, les programmes de prévention allant au-delà de la PrEP devraient aborder les facteurs présents en amont et appuyer des stratégies sur mesure pour la mobilisation communautaire.
  5. Demandez aux équipes nationales d’inclure un financement supplémentaire pour les services de soutien destinés aux jeunes hommes gays et bisexuels et autres populations clés. Des services destinés aux jeunes hommes gays et autres populations clés doivent être mis en place d’urgence pour étendre le champ d’action de services sûrs, sensibilisés et basés sur des preuves et sur les droits de l’homme.  Ce serait une bonne façon de rendre les programmes nationaux plus ambitieux.
  6. Dénoncez l’impact délétère de la règle du bâillon mondial sur la capacité des pays à atteindre leurs objectifs, en particulier les objectifs relatifs aux ARV pour les filles et les femmes cisgenres et transgenres, les hommes gays et les autres populations clés. Insistez sur une meilleure coordination entre les subventionneurs américains d’une part et les autres sources de financement bilatérales et multilatérales d’autre part, afin de garantir que les cliniques et les organisations ayant perdu leur financement suite à la règle du bâillon puissent continuer à fournir des services de prévention, de dépistage, de soins et de traitement du VIH, en particulier pour les populations clés et les femmes.
  7. Incitez les gouvernements à se focaliser sur les groupes les plus à risque de contracter et de propager le VIH, à savoir les hommes gays, les consommateurs de drogues, les travailleurs du sexe et les personnes transgenres, et à garantir que tous les services offerts par les groupes de nature religieuse soient basés sur des preuves et respectent les besoins de toutes les populations.
  8. Incitez les missions de l’U.S. PEPFAR à préserver les programmes communautaires destinés aux populations clés des coupures budgétaires ET incitez-les à tirer pleinement profit de tout financement supplémentaire visant à soutenir les programmes communautaires. Les programmes menés par et pour les hommes gays et les autres hommes ayant des relations homosexuelles, les consommateurs de drogues, les travailleurs du sexe et les personnes transgenres sont encore terriblement sous-financés.
  9. Plaidez pour un support technique étendu et une sensibilisation des travailleurs/prestataires de services de soins de santé, en impliquant les communautés dans la conception des formations et la mise en œuvre de ces dernières. La stigmatisation et la discrimination vécues par les populations clés continuent de miner les performances des programmes religieux et basés sur les infrastructures.
  10. Exigez des fonds pour des interventions structurelles et communautaires qui peuvent contribuer à faciliter la mise en place d’environnements politiques favorables. Ces interventions comprennent l’activisme, la mobilisation de la communauté, la génération de demande, la prévention et le soutien face aux violences et des services légaux. Tout ce soutien doit être offert par et pour les communautés, en sus des programmes de sensibilisation à destination des travailleurs des soins de santé, de la police et des décideurs politiques.

Lorsque vous entendez ou vous voyez des membres du gouvernement américain ou de votre gouvernement s’entêter dans leur approche, dans des financements insuffisants ou dans des interventions menées « envers » plutôt qu’« avec » nos communautés, dites-leur que c’est n’importe quoi ! Ce n’est pas le moment d’abandonner une vision plaidant pour des services de prise en charge du VIH et d’autres services de santé sexuelle qui sont dirigés par la communauté, exhaustifs et basés sur des données probantes et sur les droits.  Pas plus que de mettre fin à nos efforts visant à éliminer la stigmatisation, la discrimination et la violence du combat mondial contre le SIDA.

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