Garantir la prise en compte des besoins des hommes homosexuels dans les COP du PEPFAR 2020

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(Photo d’en-tête d’une réunion de debriefing de la société civile pendant le COP du PEPFAR, Johannesburg, mars 2020)

MPact Action mondiale pour la santé et les droits des hommes homosexuels plaide pour de meilleures politiques au service des homosexuels, des bisexuels et d’autres hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes ainsi que pour un financement proportionnel afin de répondre de manière adéquate aux défis uniques auxquels sont confrontées nos communautés. Ce blog décrit en détail certains des problèmes principaux du processus des programmes de l’U.S. PEPFAR 2020 ainsi que des exemples de certains pays qui ont réussi à apporter une réponse plus équitable et plus efficace au VIH pour les hommes homosexuels.

Au cours des dernières semaines, les activistes de MPact se sont attelés à influencer la plus grande source bilatérale de financement pour une réponse mondiale au VIH, à savoir l’U.S. President’s Emergency Plan for AIDS Relief, soit le Plan d’urgence du président des États-Unis pour la lutte contre le sida (PEPFAR). Ils ont également œuvré à garantir que ces fonds et ces programmes sont adaptés et ciblés de manière à atteindre de manière efficace les hommes homosexuels et les autres hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes.

Cette occasion stratégique de plaidoyer se présente une fois par an, lorsque le PEPFAR organise des réunions régionales avec toutes ses unités opérationnelles afin de passer en revue les données, de préciser les objectifs et de fixer les budgets pour l’année à venir. Connues sous le nom de révisions des Plans opérationnels nationaux (COP), cette année le PEPFAR a organisé trois réunions consécutives d’une semaine chacune, à Johannesburg, en Afrique du Sud, du 17 février au 6 mars 2020. Un point remarquable est que la société civile est invitée à la table pour faire part de ses priorités, aux cotes d’autres acteurs influents, notamment le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA), le Centre américain pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), les ministères de la Santé et les philanthropes.

Aniz Mitha, directeur exécutif de Community Health Rights Advocacy (CHeRA) au Malawi, présentant les priorités de la société civile

Afin de préparer ces réunions, MPact a collaboré avec une coalition multinationale d’activistes[i] pour rassembler les priorités des communautés et défendre ces priorités à Johannesburg. Plusieurs coalitions nationales de la société civile ont rédigé des rapports officieux, connus sous le nom de The People’s COP, qui regroupent des informations de base avec des demandes spécifiques pour des lignes budgétaires, des changements politiques et des priorités pour des programmes. De plus, MPact a présenté 10 conseils pour les activistes, qui se basent sur leurs expériences acquises lors des révisions des COP afin de guider les hommes homosexuels et les autres hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes pour qu’ils sachent comment apporter des changements significatifs afin de faire en sorte que les programmes répondent à leurs besoins spécifiques.

Le personnel de MPact a assisté à chaque réunion des révisions des COP, en soutenant les activistes des populations clés au niveau national et en travaillant de manière solidaire avec la société civile mondiale, en se battant pour changer les politiques dangereuses et en préconisant de prendre des engagements solides en matière de budget pour les hommes homosexuels et les autres populations clés.

Voici les principales questions qui ont influencé le dialogue sur les populations clés durant les révisions des COP20, questions que MPact et nos activistes continueront à suivre à l’avenir :

Index Testing

L’Index Testing (ou « les services de notification des partenaires assistés ») est une méthode de dépistage des cas de VIH consistant à demander aux personnes testées séropositives de révéler leurs partenaires sexuels et/ou les personnes avec qui elles ont partagé du matériel d’injection de drogues, ainsi que le nom de leurs enfants biologiques, afin les inciter à réaliser des tests de dépistage du VIH sur d’autres personnes. Toutefois, des rapports des communautés ont montré que l’Index Testing a mis en danger des populations clés et a aggravé le risque de violence, de stigmatisation, de discrimination ainsi que de nombreuses autres violations des droits de l’homme. (MPact avait publié un avertissement pour les communautés sur l’Index Testing, en prévenant les membres qu’ils ne devraient jamais être forcés à partager des informations sur leurs partenaires sexuels ou les personnes avec qui ils ont partagé du matériel d’injection).

Avant la révision du COP, MPact s’est joint à des partenaires de la société civile dans une lettre ouverte au PEPFAR appelant à mettre immédiatement fin à l’Index Testing et à rompre tous liens avec les personnes identifiées par la méthode de l’Index Testing. En réponse, les directives du COP 2020 du PEPFAR ont annoncé l’arrêt temporaire de l’Index Testing pour « les travailleurs du sexe, les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes ou tout autre groupe de populations clés » et invitaient tous les établissements à respecter les lignes directrices de l’OMS sur l’auto-dépistage du VIH et la notification aux partenaires.

Cependant, il existait une différence entre, d’une part, les directives du COP 2020 du PEPFAR et, d’autre part, la compréhension et la mise en pratique à l’échelle nationale. Lors des négociations en Côte d’Ivoire et en Tanzanie, des activistes sont parvenus à retirer des populations clés de l’Index Testing, ce qui a ainsi diminué la pression à laquelle feront face les établissements et les fournisseurs au moment d’identifier les cas via l’Index Testing. De plus, les activistes continuent fortement à faire pression pour que l’Index Testing ne soit pas relancé jusqu’à ce que les processus de certification et les nouvelles directives puissent être mis en place concernant la surveillance des évènements indésirables. MPact travaille actuellement avec des équipes nationales, des CDC et l’USAID pour renforcer ces processus.

Brian Macharia, du Kenya Key Population Consortium, délivre une présentation lors de la séance plénière du groupe 3 lors de la réunion régionale PEPFAR

Estimations de la taille des populations clés, objectifs et budgets

Pendant des années, les estimations de la taille des populations du PEPFAR pour les populations clés ont été trop basses. Les estimations de la taille des populations clés fournissent des informations sur la taille des budgets qui y sont consacrés et, par conséquent, sur les programmes liés à ces populations ; des estimations basses accordent donc de maigres budgets et produisent des programmes minuscules qui ne sont pas suffisants pour exercer un impact quelconque. Les directives du COP20 du PEPFAR reconnaissent ces défis, faisant remarquer que la « taille estimée des populations clés [doit être] suffisamment grande pour atteindre une taille d’échantillon donnée suffisante pour pouvoir mesurer la suppression de la charge virale et la cascade de traitement ».

Alors que les activistes et les alliés de MPact ont réuni leurs forces pour contester ces estimations basses de la taille des populations aux révisions du COP20, certains activistes des pays soutenus par le PEPFAR ont demandé la mise en place d’enquêtes formelles de surveillance comportementale et biologique intégrée (IBBS). Cependant, les enquêtes IBBS sont souvent des processus longs (et onéreux) et, à moins d’être organisées intelligemment avec l’implication des communautés locales de populations clés afin de garantir la sécurité et la confidentialité, elles ne fournissent pas nécessairement des chiffres plus crédibles sur la taille des populations. MPact et ses alliés ont exhorté le PEPFAR à ne pas attendre les résultats des enquêtes IBBS, mais plutôt à se tourner immédiatement vers les partenaires locaux de populations clés pour définir des objectifs plus significatifs. Là où les données du PEPFAR montraient que les objectifs de populations clés avaient été atteints et dépassés, comme au Malawi, les activistes ont appelé à établir des objectifs plus audacieux et plus robustes ainsi qu’à réaliser le tout premier fractionnement de données sur les travailleurs du sexe, qui avaient précédemment été rendus invisibles parce qu’ils avaient été rattachés au groupe plus large des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes. En Eswatini, le PEPFAR s’est engagé à lancer des études (enquêtes IBBS et estimations de taille) pour les populations de transgenres et de consommateurs de drogues lors du COP 2020.

Les activistes ont également protégé et mis en avant les budgets liés aux populations clés. Au Kenya, les activistes ont réussi à obtenir l’engagement visant à faire respecter le montant de financement aux populations clés promis lors du COP19 et ils ont appelé à une augmentation du budget aux populations clés lors du COP20 (qui atteindra 20,5 millions de dollars), bien que, notamment, les budgets ne seront pas finalisés avant la signature officielle des accords du COP.

La PrEP pour les hommes homosexuels

MPact et ses alliés ont recommandé aux programmes nationaux du PEPFAR à dépasser les programmes pilotes pour arriver à une intensification des programmes de prophylaxie en pré-exposition (PrEP) pour les homosexuels, les bisexuels et les autres hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes. Il est important que cette tâche prenne en considération la génération de la demande, les conseils pour la réduction des risques, l’alphabétisation, l’adhésion et le soutien.

Plusieurs pays ont obtenu de nouveaux engagements pour intensifier la PrEP pendant la révision du COP20, même si le chemin est encore long pour atteindre un accès universel à la PrEP. Toutefois, parmi les enseignements tirés, on remarque qu’il est toujours essentiel de prêter une attention particulière aux lignes budgétaires :  plusieurs propositions de pays ont accordé la priorité aux produits de base de la PrEP, avant tout autre chose, sans avoir tenu compte du soutien nécessaire pour financer les services annexes qui permettent une bonne mise en œuvre et efficacité de la PrEP. D’autres propositions de pays n’ont pas réussi à budgétiser correctement les produits de base de la PrEP dans le contexte de l’intensification de la PrEP, suggérant que les programmes ne seraient pas capables d’atteindre les objectifs proposés liés à la PrEP. Par exemple, en Côte d’Ivoire, le budget global pour l’ensemble du programme de la PrEP a d’abord été établi à 900.000 dollars, avec seulement 300.000 dollars pour les produits de base, et visait à atteindre 9.000 individus. Le « plaidoyer de couloir » a permis aux activistes de faire monter le budget des produits et de trouver plus d’argent dans le budget global pour la mise en place du programme de la PrEP et la génération de la demande.

D’autres domaines de suivi pour MPact et ses partenaires quant à la PrEP pour les hommes homosexuels comprennent la création de campagnes de messages ciblés qui touchent et communiquent de manière sensible avec les hommes homosexuels et les autres hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes. Ces campagnes de messages doivent être mises au point avec les communautés et suivies pour vérifier leur efficacité.  

Suivi réalisé par les communautés

Les directives du COP 2020 du PEPFAR ont enjoint tous les programmes PEPFAR à « mettre au point, soutenir et financer le suivi réalisé par les communautés de la série de traitements en collaboration étroite avec les organisations indépendantes de la société civile et les gouvernements des pays hôtes ». Le suivi réalisé par les communautés (SRC) est un mécanisme de responsabilisation dans lequel les membres des communautés conçoivent leur propre processus de révision et d’évaluation de la qualité des services liés au VIH. Les commentaires des communautés sur l’accès, la qualité et tout autre évènement indésirable peuvent constituer un outil puissant pour adapter la mise en place des politiques et des programmes. Les rapports de « The People’s COP » rédigés par la société civile avant les révisions du COP20 sont un des exemples du suivi des communautés. Un autre exemple éloquent de suivi réalisé par les communautés qui a été utilisé par de nombreux partenaires de MPact est la méthodologie du « client secret », qui met les membres des communautés en mesure de prendre note des exemples de stigmatisation, de discrimination et d’autres comportements inappropriés au moment de chercher des services de santé, puis d’en faire part aux établissements de manière anonyme.

Même si les équipes nationales du PEPFAR se sont généralement montrées ouvertes à un soutien du SRC, les activistes ont rapidement souligné que les mécanismes de financement étaient importants. En particulier, le principal canal de financement doit être retiré du PEPFAR afin de garantir une indépendance dans le processus de révision. De plus, les activistes ont été clairs quant au besoin d’un seul financement important pour soutenir cette mission. Certaines équipes nationales du PEPFAR ont proposé plusieurs sources de financement afin de soutenir le SRC, dont une initiative visant à accorder de petites subventions afin de fournir un soutien initial à plusieurs organisations de la société civile dans un pays donné. Cependant, les activistes expérimentés en matière de SRC ont souligné l’importance d’un seul cadre unificateur et d’un seul grand financement pour parvenir à un impact maximal, avec une liste de vérification standardisée pour les communautés et une coordination dans tous les districts suivis (plutôt que plusieurs petites initiatives, chacune avec différents outils et enquêtes de SRC, récoltant potentiellement des données qui ne correspondent pas pour différents districts qui se chevauchent). Évidemment, cette approche ne serait acceptable que dans le cas où des organisations gérées par des homosexuels sont engagées de manière active et significative dans le processus de développement des outils d’enquête.

Fonds d’investissement pour les populations clés (FIPC)

Le fonds d’investissement pour les populations clés de 100 millions de dollars annoncé par le PEPFAR en 2016 progresse enfin dans la bonne direction après un départ retardé, avec l’intention de soutenir les organisations menées par les populations clés. Le financement a pour but non seulement de garantir des services liés au VIH adaptés aux populations clés, mais également de soutenir le renforcement des capacités de gestion organisationnelle et financière des organisations menées par les populations clés ainsi que « de faire face aux obstacles structurels spécifiques qui empêchent l’accès et l’efficacité des services liés au VIH, dont des barrières liées à la violence, à des aspects juridiques, aux autorités, aux politiques, à l’économie et à l’éducation ».

Malheureusement, dans certains pays, la priorité a été donnée à des agences « compétentes en matière de populations clés » pour faire parvenir les fonds du FIPC, plutôt qu’à des organisations menées par les populations clés. Malgré les directives du FIPC pour acheminer au moins 70 % des fonds aux communautés, nous avons observé au Zimbabwe que des montants importants de financements sont consacrés au recrutement d’une nouvelle unité locale de soutien technique du FIPC au sein de la structure d’une ONG internationale, plutôt qu’au soutien direct d’organisations menées par les populations clés. MPact continuera à surveiller quelles organisations sont soutenues par le FIPC.

Et après ?

Chaque négociation de la révision du COP s’est terminée par une brève présentation aux dirigeants du PEPFAR à la fin de chaque semaine, mais les plans (et les budgets) ne seront pas finalisés avant la signature des accords du COP en avril. Il reste du temps aux activistes pour réaliser le suivi avec les équipes nationales du PEPFAR et le Bureau du département d’État américain du Coordinateur de la lutte mondiale contre le sida (S/GAC) à Washington pour garantir les budgets, les objectifs et les plans que la société civile envisage. Ce suivi est particulièrement important, étant donné que de nombreuses réunions de la révision du COP ne comprenaient pas les présentations détaillées de l’affectation des budgets. Par conséquent, il est difficile pour la société civile d’évaluer efficacement le niveau d’engagement du PEPFAR.

De plus, une partie essentielle du travail en cours dans cet espace est de tenir les équipes nationales du PEPFAR responsables des promesses formulées pendant les réunions de la révision du COP20. Chaque équipe nationale du PEPFAR doit présenter un compte rendu à la société civile au niveau national après la réunion de Johannesburg et les demandes de la société civile doivent être examinées en tandem avec les engagements du PEPFAR et le gouvernement hôte. Par exemple, en Tanzanie, un engagement a été pris pour des comptes rendus trimestriels avec les membres des populations clés dans le pays.

Ces quelques semaines ont été passionnantes pour MPact et ses partenaires. Et le travail ne fait que commencer ! N’hésitez pas à continuer à suivre notre travail pour en savoir plus sur les développements des sujets mentionnés ci-dessus.

N’hésitez pas à nous faire part de tout problème ou obstacle que vous pourriez rencontrer et que nous pourrions documenter et signaler à nos personnes de contact au sein du S/GAC et aux équipes nationales du PEPFAR. Veuillez écrire à la directrice de la politique de MPact, Nadia Rafif, à l’adresse nrafif@mpactglobal.org pour toute question ou tout problème que vous pourriez avoir. 

Au moment où ce blog a été développé, le PEPFAR venait de publier un guide technique dans le contexte de la pandémie de COVID-19, pour rappeler à tout le monde que le PEPFAR continue à se consacrer au soutien de la fourniture des soins et le traitement des individus atteints du VIH tout en maintenant un environnement sûr des soins de santé pour ses clients et son personnel. Les décès dus au VIH et à d’autres comorbidités doivent continuer à être évités pendant cette période. Afin de respecter notre engagement pour des soins et un traitement continus pour les personnes séropositives et pour la prévention des décès chez les personnes séropositives dus aux comorbidités liées au VIH, le PEPFAR s’engage à soutenir la réponse du gouvernement hôte à la pandémie de COVID-19 en tirant parti des ressources existantes du PEPFAR, afin que les personnes séropositives aient les meilleurs résultats possible dans le contexte des systèmes de soins de santé mis sous pression. Des principes généraux ainsi qu’un guide technique spécifique sont fournis pour les questions opérationnelles du PEPFAR ; la prévention, les tests, les services cliniques, la chaîne d’approvisionnement et les activités de laboratoire ; la prévention et le contrôle des infections ; et un guide budgétaire. Ce document sera régulièrement mis à jour en fonction de la situation. Une mise à jour plus détaillée suivra.

[i] Les partenaires de Coalition to build Momentum, Power, Activism, Strategy & Solidarity (COMPASS Africa).

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Ce blog a été développé par Krista Lauer, consultante pour MPact, avec la contribution de Cheikh Traore (consultant), Stephen Leonelli (principal conseiller politique chez MPact), Johnny Tohme (responsable de la mobilisation des communautés chez MPact) et relu par Nadia Rafif (directrice de la politique chez MPact).